Nombreux sont les textes de Ionesco qui mettent en oeuvre le personnel domestique. La concierge et la bonne en sont sans nul doute les figures les plus récurrentes et les plus hautes en couleur. Si nous avons choisi d’accorder notre attention à ce type de personnages, c’est parce qu’il nous paraît illustrer de manière particulièrement efficace le regard que l’auteur pose sur la nature humaine. Après avoir mis en lumière, dans notre première partie, le renforcement de la présence de ces personnages sur la scène lors de la réécriture des textes narratifs, nous verrons que cette augmentation de la place accordée au personnel domestique révèle le désir de Ionesco de recourir aux ressorts de la comédie, genre théâtral où se sont illustrés depuis des siècles les valets roués et les servantes au franc-parler. Le fait de tourner en dérision les représentants des basses couches sociales inscrit déjà ce dramaturge en marge du discours communiste qui, dans les années cinquante sous l’impulsion des disciples de Brecht, fait l’apologie du petit peuple en le poussant à la révolution. C’est ce constat que creusera notre troisième partie, en analysant la manière dont l’auteur utilise le personnel domestique pour exprimer sa conception lucide, sinon désenchantée, de la société et des hommes qui la constituent.