La profession abbatiale, serment d’obéissance imposé à l’abbé avant sa bénédiction par l’évêque diocésain, a été une pierre de discorde qui a touché de plein fouet le monde monastique ligérien à la fin du XIe siècle. Elle s’inscrit dans une volonté de la part du corps épiscopal d’affermir son autorité sur les abbayes à une époque où celles-ci se trouvent soumises au prince ou ont choisi de se tourner vers Rome pour demander des privilèges de protection apostolique ou d’exemption, ce qui est le cas de Marmoutier à partir de 1087. Les débats vigoureux qui en résultèrent suscitèrent l’apparition d’une littérature monastique sous forme de traités polémiques ou de chartes notices qu’on retrouve aussi bien dans l’espace ligérien (œuvres de Geoffroy de Vendôme, cartulaire de l’archevêché de Tours) qu’en dehors de celui-ci (Anonyme du Bec vers 1136-1140). Cette question doit être néanmoins replacée dans le contexte large des évolutions liturgiques et de la mise en place des pontificaux, notamment de la diffusion dans l’ouest ligérien du pontifical romano-germanique. Si la circulation de ces rituels liturgiques transcende l’espace du Val de Loire (pontificaux venus de Salzbourg, de Besançon…), la production écrite de Marmoutier aux XIe-XIIe siècles a permis à l'abbaye de reconstruire une mémoire de ses origines, de confisquer le culte de saint Martin à son profit et de s'émanciper de la tutelle de l'archevêque de Tours.