Qu’en est-il de la Méditerranée pour les historiens de l’art ? Si les relations nord-sud ont été abordées relativement souvent, on a gardé prudemment à distance toute analyse faisant cas d’un prétendu « genius loci » méditerranéen, fondé sur les concepts de « nation », de « peuple » et de « race ». Aujourd’hui les outils pour une lecture dépassionnée des imbrications du fait artistique avec les logiques spatiales ne manquent pas et le dossier peut être rouvert. Il faudra d’abord tenter d’établir à quel moment et sous quelles conditions la notion de « Méditerranée » apparaît dans le discours sur les arts. Puis déceler les points d’articulation à une modernité qui prend le contrepied de celle, canonique, d’origine essentiellement septentrionale, et qui se caractérise par une volonté de conciliation avec une tradition recomposée. Puisant aux racines d’une culture populaire ou nationale, ces modernités multipolaires expriment autant un idéal humaniste et social qu’elles alimentent les mythes dangereux de la « latinité » et de la « grécité ».