Contexte L’enseignement de design vise à sensibiliser à la conception et à la créativité à travers des pratiques artistiques, notamment de dessin ou d’expérimentation par la manipulation de matériaux, et pas uniquement à la résolution de problème (Lebahar, 2007). Il en est ainsi pour tous les élèves de lycée professionnel, en France (Cusenier et Tortochot, 2019 ; Roy, 2022). Les approches ergonomiques, anthropologiques et psychologiques du geste dans l’apprentissage du design aident à caractériser ce qu’est le geste et le corps de l’élève dans cet enseignement (Arnaud-Bestieu et Tortochot, 2021 ; Bril, 2019 ; Fraenkel, 2018 ; Heiser et al., 2020 ; Tortochot, 2022). Plus précisément, il s’agit d’étudier les instruments et dispositifs qu’utilise l’élève pour dessiner et manipuler, sa posture d’apprentissage et le milieu didactique dans lequel il apprend avec l’enseignant. Enfin, la dimension didactique est abordée notamment du point de vue du système antagoniste des milieux (celui de l’élève, celui de l’enseignant), leurs stratifications, les déséquilibres entre parties prenantes, dans les savoirs, les négociations, qui les perturbent, les modifient, laissant des traces comme sur un palimpseste (Terrien, 2017). Question de recherche Il s’agit d’observer l’activité d’élèves pour comprendre comment ils la régulent par le corps médiateur dans le milieu didactique afin de favoriser l’accomplissement de la tâche prescrite. Trois situations sont décrites et analysées : le dessin de plan, la perspective conique et le tissage à l’aide de bandelettes de papiers colorés. Hypothèse Les gestes nécessaires aux apprentissages sont favorisés par les situations très diverses au-delà des contraintes matérielles qu’elles imposent, malgré les milieux déséquilibrés, stratifiés et leurs systèmes antagonistes. Méthodologie La méthodologie de l’étude repose sur l’analyse de l’activité des élèves dans une séance de 55 minutes au sein de trois classes dans trois établissements distincts (avec des effectifs variés et dans des formations professionnelles aux spécialités différentes). Les vidéos réalisées sont étudiées a posteriori afin de caractériser les gestes, postures, déplacements, interactions des élèves au sein des groupes ou entre pairs et avec l’enseignant. La lecture des processus d’apprentissage est de type ergonomique, anthropologique, psychologique et didactique. Le but est de faire émerger le réel de l’activité des élèves, et ainsi de mieux caractériser le milieu didactique dans le cadre d’un enseignement de design. Résultats Les résultats présentés suggèrent que les déséquilibres sont omniprésents dans le milieu, au détriment des gestes de dessin ou de manipulation, ce qui pourrait nuire au processus d’apprentissage. En effet, les contraintes empêchent dans certains cas le corps de l’apprenant d’entrer en tension avec l’instrument du dessin (outils de tracé, supports, plan de travail, etc.) ou avec le matériau manipulé (précision des entrelacs du tissage de papier, par exemple). Parce que le corps n’est pas pensé dans le milieu, l’acquisition des différents savoirs (savoir-faire, savoir-être, voire savoir-dire) est entravée. Plus précisément, l’élève subit plusieurs milieux impensés qui sont antagonistes. Toutefois, les élèves observés font avec la situation et con-tournent les contraintes du milieu, voire les obstacles. Parce que le corps est médiateur, ils s’en débrouillent pour réaliser, malgré tout, la tâche prescrite et, de fait, les gestes instrumentaux nécessaires à la production graphique.