Le territoire fait l’objet d’une approche pluridisciplinaire (Simone et al. 2018 ; Paasi et al. 2020) et parallèlement, la dimension territoriale des situations de gestion (Raulet-Croset 2021) est étudiée par un nombre croissant de travaux de recherche depuis une vingtaine d’années. Pour Simone et al. (2018), le territoire est « un système complexe localisé au sein d’un espace géographique, qui émerge grâce à la coévolution d’un ensemble de processus hétérogènes (anthropologiques, culturels, relationnels, cognitifs et économiques) et qui caractérise cet espace de façon unique et singulière ». Alors que certains territoires misent sur l’exploitation de leurs ressources naturelles, d’autres développent une expertise, un savoir-faire régional ou un écosystème d’innovation (Kritz et al. 2018) leur offrant un avantage compétitif territorial, grâce à une main-d’œuvre qualifiée et au capital social produit (Stoop et al. 2021). Il s’agit alors de placer les ressources humaines (RH) au cœur des préoccupations du territoire afin d’identifier et de valoriser les compétences détenues et mobilisées par ses habitants et ses organisations (Evon 2018 ; Loubès et al. 2021). Ces projets ont, depuis une quinzaine d’années, été déployés sous différentes dénominations : « GRH territoriale » (GRH-T), « territorialisation de la GRH », « projets de territoire orientés RH », « GPECT » ou « GTEC »(Loubès et al. 2021). Le terme de « GRH-T » sera retenu dans ce chapitre. Derrière la multiplicité des contextes, ces projets visent à résoudre collectivement des problématiques de gestion de l’emploi et/ou des compétences et de GRH au niveau territorial, en favorisant les liens étroits entre acteurs publics et privés, par des actions collectives et structurées (Geddes 2008 ; Purkarthofer 2021). Certains projets ont été menés avec succès, d’autres ont été plus difficiles à concrétiser (Couteret et al. 2019 ; Mazzilli 2021). Plusieurs groupes d’acteurs participent généralement au travail d’identification et de valorisation des ressources humaines et des compétences. Les collectivités territoriales, les entreprises, le secteur associatif sont ainsi amenés à coordonner, sous un angle parfois nouveau, leurs actions dans le but de créer de nouveaux outils d’intervention ou de les faire évoluer. Les citoyens peuvent être mobilisés en tant que bénéficiaires ou futurs entrepreneurs (Geddes 2008). La mise en œuvre d’un projet de GRH-T nécessite donc un important travail collaboratif avec les acteurs du territoire afin d’identifier les enjeux et les besoins des uns et des autres et de proposer des actions pour y répondre. Cette dynamique peut aussi amener à modifier les normes et les règles qui prévalent entre les acteurs. L’analyse de ce travail institutionnel (Lawrence et Suddaby 2006) permet d’ouvrir la boîte noire de la dynamique des projets visant à identifier et valoriser les ressources humaines et les compétences du territoire. Le défi étudié dans ce chapitre, et qui est inhérent à la GRH territoriale, est celui de l’élaboration de nouvelles pratiques collaboratives répondant à un besoin d’identification et de valorisation des ressources humaines du territoire. Afin de mieux comprendre ce processus, nous proposons une grille d’analyse des principales caractéristiques d’un projet de GRH-T qui nous semblent déterminantes pour, l’aboutissement de ce projet. Le chapitre propose d’abord une grille d’analyse basée sur trois dimensions clés de la GRH-T, complétée par une lecture à l’aune du travail institutionnel (Cloutier et al. 2016). Deux cas de projets de GRH-T seront ensuite présentés afin d’illustrer concrètement de quelle manière la grille d’analyse peut être mobilisée (section 8.3). Enfin, une mise en perspective des enseignements tirés de ces cas en soulignera les apports pour le chercheur et le praticien.