L’acier et l’aluminium en France XIXe-XXIe, prolégomènes d’une histoire parallèle En première analyse, l’acier et l’aluminium sont des matériaux concurrents, fabriqués avec des technologies très différentes, le haut fourneau ou le four électrique d’un côté, la cuve d’électrolyse de l’autre. Ils sont produits et mis en œuvre en France par des entreprises qui entretiennent peu de rapports entre elles: Usinor et Sacilor d’un côté et Pechiney de l’autre dans le second vingtième siècle. Leurs représentations respectives semblent bien éloignées l’une de l’autre: les marchands de canon et le pain de l’industrie contre le métal léger et le << papier argent >>. On pourrait continuer longtemps sur ce registre de la dissemblance. Pourtant, les proximités entre l’histoire de l’acier et celle de l’aluminium suggèrent à nos yeux une approche comparative en longue durée qui fournirait des éclairages inédits sur l’une et l’autre de ces industries.  Les deux industries relèvent de la seconde industrialisation. Elles sont fortement capitalistiques. La production d’acier à l’échelle industrielle se développe dans les années 1870, celle de l’aluminium émerge dans les années 1890. Longtemps, les deux industries ont participé de la puissance française et européenne. Elles ont connu nationalisation et privatisation au cours des années 1980-1990. De façon concomitante, elles ont été englouties par la troisième mondialisation, Pechiney en 2003, Arcelor en 2007.  Il y a des différences que nous appellerons structurelles : les matériaux mis en œuvre, les ressources énergétiques et les technologies. Notons cependant que la part croissante de la production d’acier à l’électricité tend à rapprocher les deux industries sur ce plan. Il y a des différences historiques et chronologiques. La plus importante est l’internationalisation, bien plus précoce pour l’aluminium que pour l’acier. Non moins importante est la consolidation du secteur qui est réalisée plus tôt sous la houlette de Pechiney (mais qui est compliquée du fait de l’épisode PUK) alors que le regroupement de la sidérurgie française intervient seulement pendant la nationalisation (1982-1995). Une différence et même une divergence est apparue récemment à propos des prix de vente. Depuis l’entrée de l’aluminium dans le London Metal Exchange en 1978, les prix de vente de l’aluminium connaissent un trend haussier et sont beaucoup plus volatils que les prix de vente de l’acier. Les convergences semblent plus nombreuses que les différences à mesure que nous approchons du temps présent. Convergences pour les matières premières et l’énergie qui sautent du territoire national à la globalisation, convergences pour les marchés qui s’éloignent. Convergence dans la croissance globale des deux matériaux. Si dans ces différents aspects, l’aluminium semble avoir un temps d’avance, l’écart se resserre car l’acier suit les mêmes chemins. Les convergences les plus nettes sont celles des managements et celles des transformations récentes des deux industries sur le territoire national. Elles ont connu ensemble nationalisation, privatisation et OPA. Leurs équipements en France se réduisent au rythme de la désindustrialisation européenne. Faut-il imaginer une convergence finale comme dans une tragédie ? Une France sans haut fourneau et sans électrolyse de l’aluminium ?